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Yamina Saheb
Thanh Nghiem
2017-09-12 europe Changer de paradigme
Europe

Pourquoi lEurope ?

LEurope est, indéniablement, lune des plus belles aventures humaines de tous les temps ! En moins dun siècle, des pays, habitués à conquérir par la guerre des territoires sous lautorité de leurs voisins, ont décidé de sassocier pour construire un projet de paix, de démocratie, et de prospérité à travers une modernisation sans précédent des moyens de production et une réelle prise en compte de la dimension sociale du développement.

Ladoption de la Déclaration universelle des droits de lhomme par lAssemblée Générale des Nations Unies en 1948, à Paris, nest pas le fruit du hasard. De la même façon, la signature du premier accord universel sur le climat à Paris, lors de la COP21, en 2015, est elle aussi loin dêtre le fruit du hasard. Si lAccord de Paris est laboutissement de plusieurs années de diplomatie européenne et française, sa signature est venue nous rappeler le rôle de lEurope dans le monde. Cet accord historique, en plus davoir été signé à Paris, est très largement inspiré par les valeurs universelles de justice, dégalité et de solidarité entre les peuples que lEurope porte haut et fort partout dans le monde depuis longtemps.

Néanmoins, la construction européenne na pas été un long fleuve tranquille. Bien au contraire, ce fut et ça continuera dêtre un chemin semé dembûches, comme est venu nous le rappeler le vote du Brexit.

Les anciens, comme Marc Luyckx et Jean-Baptiste de Foucauld nous disent que « nous avons échoué, car avec Delors nous avons essayé de changer les choses par le haut, en parlant aux chefs dÉtats. Sil y a une leçon à en tirer, cest quil faut faire le changement bottom-up. Aider chacun à oser penser son intuition profonde, et à la mettre en œuvre collectivement ». Selon eux, « un changement de paradigme prend environ 30 ans. Il y a 25 ans que Delors a lancé son cri d'alerte. Nous sommes donc probablement proches du basculement de paradigme ».

De leur côté, les quadras nous alertent sur les enjeux de notre époque et du rôle que lEurope pourrait jouer dans le changement de paradigme, comme lexpliquait si bien Cédric Villani dans sa tribune au Figaro davril 2017, « sans but commun, la diversité peut mener au chaos ; mais unie, elle est invincible. Que lEurope sentende sur une nouvelle réglementation, et les géants américains du cyberespace sadapteront, soucieux de ne pas perdre un marché de 500 millions de consommateurs ».

#En effet, lun des enjeux importants sur lesquels lEurope doit peser est celui du contrôle de la donnée ; lor noir du XXIe siècle. Préserver notre liberté passera nécessairement par le contrôle de nos données. Or les données des Européens, comme celles des autres citoyens du monde, sont, aujourdhui, entre les mains des géants américains (GAFAM).

La Régulation de protection générale des données (RPGD), qui entrera en vigueur le 24 mai 2018, est une étape décisive. Elle forcera les opérateurs à restituer à tout citoyen européen qui en fera la demande ses données sous une forme exploitable, et à les effacer sil le souhaite (droit à loubli). On pourra donc, en théorie, récupérer nos données et les mettre en sécurité auprès dun opérateur européen ou sur des sites sur lesquels les usages sont maîtrisés.

Toutefois, la mise en œuvre de la RPGD nécessitera lémergence en Europe dalternatives aux GAFAM pour peser face à eux et les inciter à lexemplarité. Les alternatives qui existent aujourdhui, comme celle des « Safe Data », nont ni la taille critique, ni loffre de services en matière dusage final par lusager permettant de rivaliser avec les GAFAM. Il est donc important que lEurope investisse dans linnovation numérique et digitale, en plus de réglementer.

Trois idées principales ont émergé lors des débats aux Treilles :

Sensibilisation à lEurope

À linstar de la journée du service civique pour les jeunes, nous pensons quune journée dinitiation à lEurope permettrait à tous les citoyens de lUnion de mieux sapproprier leur citoyenneté européenne. On pourrait imaginer que ce soit un jour férié dans tous les États membres, pourquoi pas le 9 mai, qui est la journée de lEurope. À cette occasion, les citoyens pourraient présenter les initiatives réalisées à côté de chez eux dans une ville ou un village de leur choix.

Cela garantirait que chaque citoyen voyage ne serait-ce quune fois dans sa vie en Europe. Ce type de voyages permettrait de célébrer le partage dexpériences réelles, lart de vivre, la diversité culturelle et linguistique, lEurope des sciences et surtout de prendre conscience de la dimension européenne de notre citoyenneté. On pourrait lancer, comme le traité de Lisbonne nous le permet, une pétition en ligne, pour rassembler un million de signatures dans au moins sept États membres, afin de demander à la Commission européenne dévaluer notre proposition de la journée de sensibilisation à lEurope et de proposer des pistes pour sa mise en œuvre.

Un Erasmus pour tous

Notre pari est que nous pouvons co-construire la citoyenneté européenne par le voyage, la mobilité et la rencontre avec lautre, comme le montre si bien le film de Cédric Klapisch, lAuberge espagnole, sorti en 2002. Lexpérience du brassage culturel et linguistique vécue par les sept étudiants du film naurait pas pu avoir lieu sans le programme Erasmus. Cest pourquoi nous pensons quun Erasmus pour tous, dès le jeune âge, contribuerait à la construction de la citoyenneté européenne.

On pourrait sinspirer des jumelages entre communes, reprendre le cadre réglementaire qui permet déjà les échanges entre jeunes aux alentours de 14 ans et détendre ce dispositif dans le cadre dun programme Erasmus pour tous. Cela garantirait laccès à Erasmus également à ceux qui ne poursuivraient pas des études universitaires. En effet, malgré des tentatives récentes délargissement, Erasmus continue à ne bénéficier quà une minorité de jeunes. Processus complexes, méconnaissance du public cible, manque de moyens financiers… les raisons invoquées sont nombreuses. Nous demandons que le programme soit réévalué, de manière à garantir laccès à tous les jeunes, notamment aux citoyens les plus défavorisés, en travaillant auprès des acteurs de proximité avec des moyens dinformation adaptés.

À linstar des logiciels en open source qui sont sous la vigilance de la communauté des utilisateurs, nous pensons quun écosystème Internet sécurisé et transparent rendrait impossible la manipulation et lexploitation des données des citoyens européens à des fins privées. Ce système, que nous appellerons par exemple « Citizen Link », offrirait les fonctionnalités sociales essentielles, hashtags sur ses préférences, compétences, lieux de vie ainsi que des services collaboratifs logement en couchsurfing, covoiturage, cours de bricolage, de cuisine, etc …

Citizen Link pourrait devenir une source dinformation citoyenne, qui serait alimentée de façon bottom-up par les citoyens, la société civile et les acteurs de proximité. Cet écosystème pourrait accueillir les initiatives des citoyens dans le cadre de la journée dinitiation à lEurope ainsi que les expériences partagées des jeunes qui participeraient au programme Erasmus pour tous. Citizen Link pourrait utiliser les techniques du big data pour mieux identifier les compétences et goûts à léchelle individuelle et, par exemple, mettre en relation les jeunes qui bénéficieraient du programme Erasmus pour tous. Lidée étant doptimiser les rencontres en chair et en os. Un système dévaluation pourrait encourager les comportements vertueux.

Le but de Citizen Link est de contribuer à créer une citoyenneté européenne par le partage dinformations bottom-up, la rencontre physique et virtuelle et les informations vraies, issues des utilisateurs. Erasmus pour tous permettrait dinitialiser le système en invitant les jeunes à se préparer au voyage. Rien nempêcherait un tel système de se développer en complément des GAFAM. À terme, il pourrait offrir une alternative sécurisée à ceux qui souhaitent une consommation plus mesurée dInternet, comme dans le cas du bio ou de Linux par rapport aux variantes mainstream.

Loin dêtre exhaustives, les trois idées décrites ci-dessus montrent que lEurope peut apporter des alternatives à la fois technologiques, pratiques, et éthiques aux défis actuels. Il ne sagit pas de coloniser lespace ou les esprits, mais plutôt de libérer le potentiel qui dort en chacun de nous et de co-construire une citoyenneté planétaire qui rayonnerait au-delà des frontières de lEurope.

En effet, lEurope peut faire la différence en replaçant les valeurs originelles qui ont guidé sa fondation (solidarité, éducation, diversité, responsabilité globale) au cœur du projet dune nouvelle société, qui peine à se dessiner, tandis que lancien modèle seffondre.

Attention ! Il ne sagit pas de donner des leçons au reste du monde. Il sagit de co-construire des alternatives aux monopoles existants, en donnant aux citoyens du monde entier des clés pour reprendre la main sur leur manière de vivre, avec respect et ouverture à lautre, enthousiasme et fierté face à la tâche à accomplir.