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2017-09-09 22:09:38 +02:00

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post LUnion de lEnergie 
Yamina Saheb
2017-09-12 union_europe A nous, peuple dEurope, de choisir la transition énergétique que nous souhaitons.
Europe

On loublie souvent, mais à lorigine de lUnion européenne que nous connaissons aujourdhui, fut la Communauté européenne du charbon et de lacier. Cest le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, qui annonça le 9 mai 1950 le lancement du processus qui devait aboutir à la signature future du premier traité supranational européen et la décision de confier sa gestion à une haute autorité qui travaillerait sous la surveillance des états signataires.

Depuis, la date du 9 mai a été sacrée par le Parlement européen journée de lEurope et la Haute autorité est devenue la Commission européenne. Hélas, la journée de lEurope, qui célèbre une idée à lorigine portée par la France, nest pas encore un jour férié chez nous. La communauté nationale semble lui préférer le 8 mai, jour de la capitulation de lAllemagne nazie en 1945, qui est également le jour des manifestations indépendantistes algériennes violemment réprimées par larmée française. À croire que le souvenir de la violence est plus important que la célébration de la construction de la paix. Car la Communauté européenne du charbon et de lacier était bien un projet de paix et de prospérité.

Comme le disait Schuman, ce traité avait pour but « de rendre la guerre non seulement impensable, mais aussi matériellement impossible ». Au-delà de cette volonté de paix, la mise en commun du marché du charbon et de lacier de la France, de lAllemagne, de lItalie et des trois pays du Benelux a permis de moderniser les outils de production, de rendre lEurope compétitive et, plus important que tout, elle a permis daméliorer les conditions de vie et de travail des habitants des six pays fondateurs de lUnion européenne et de chacun des pays qui les a rejoint par la suite. En effet, des milliers de travailleurs ont bénéficié daides financières pour mieux se loger et les régions ont été soutenues dans la création demplois visant à reclasser des chômeurs à la suite de la fermeture des aciéries.

De la même façon, le 25 février 2015, la Commission européenne (oui, celle-là même sur laquelle tirer à boulets rouges est devenu un sport national dans nos pays) a annoncé un projet dont lenvergure et la portée sont bien plus larges que celui de Schuman. Il sagit de lUnion de lÉnergie. Pour la petite histoire, lidée de lUnion de lÉnergie remonte à la Commission Delors (1985-1995). Eh oui, un autre Français dont le nom est indéniablement associé à la construction de lUnion européenne. On pourrait se demander pourquoi certains Français se sont investis avec autant dénergie dans la construction de lUnion européenne. On pourrait également se demander pourquoi moi, qui ne suis pas née européenne et à qui la douloureuse histoire franco-algérienne a permis de le devenir, je minvestis à ma manière dans la construction de lEurope. Il est vrai que le « bashing » de lEurope auquel nous avons été habitués nous fait oublier de temps en temps, à nous citoyens européens, notre « volonté de vivre ensemble ». Mais les observateurs étrangers, eux, ne loublient pas ! Comme cette collègue chinoise qui mavait annoncé en août 2010 que « la Chine allait très bientôt rattraper et même dépasser lEurope sur les plans technologique et économique. Toutefois, lEurope continuerait à jouer un rôle important dans le monde, car elle est avant tout un espace de démocratie, de paix et de liberté ». Plus connu, le discours de Barack Obama à Berlin du 25 avril 2016, soit deux mois avant le vote du Brexit, sur le besoin qua le monde dune Europe démocratique, forte et unifiée. Ce discours restera certainement dans les mémoires car pour lune des premières fois, un homme politique sest adressé aux Européens en parlant du « peuple dEurope ».

Pour revenir à lUnion de lÉnergie, il y a deux façons de voir cette proposition de la Commission européenne. La première, plutôt pessimiste, dans la lignée du « bashing » de lEurope, serait de se dire quil sagit dun énième projet bureaucratique de Bruxelles sans aucun intérêt pour les États membres. Pis, qui leur ferait perdre un peu plus de leur pouvoir. Oubliant que le rôle de la Commission se limite à faire des propositions et que ce sont bien le Parlement européen1 (des élus) et le Conseil européen (où siègent les chefs dÉtats et de gouvernements, encore des élus !) qui légifèrent.

Une autre façon de voir lUnion de lÉnergie, cette fois avec enthousiasme et optimisme, consiste à analyser la proposition de la Commission européenne avec lucidité. Et là, surprise, on se rend vite compte que lUnion de lÉnergie nest rien dautre quun projet de modernisation de léconomie et de la démocratie européennes. Il sagit de jeter les bases dune Europe moderne et solidaire à travers la sobriété énergétique et la participation des citoyens aux réseaux énergétiques grâce à la possibilité quils ont de transformer leurs toits en centrales de production dénergie renouvelable. Ceci au passage ferait de lEurope la championne de la lutte contre les changements climatiques et le bastion de linnovation.

Malheureusement, peu de citoyens européens ont entendu parler du projet de lUnion de lÉnergie. Pis, parmi les initiés, rares sont ceux qui se rendent compte quil sagit là de lune des étapes les plus importante de la construction européenne depuis Schuman. Pourtant, le projet est géré par un vice-président qui a fait le tour des capitales européennes pour expliquer son importance pour notre avenir commun. Mais, me direz-vous, quand on fait le tour des capitales, on rencontre les élites bien-disantes, dailleurs pas toujours bien-pensantes, mais surtout bien souvent déconnectées du peuple dEurope. Faire connaître le projet de lUnion de lEnergie aux citoyens européens pour quils se lapproprient est donc le premier défi auquel ce projet est confronté.

Si lUnion de lÉnergie est considérée par les experts comme un projet historique, cest parce que le monde et lEurope ont bien changé depuis Schuman. En effet, nous ne sommes plus six pays, mais bien vingt-huit à décider de lavenir de lEurope, et nous sommes presque deux cents pays à décider de lavenir de la planète. Plus important, le monde traverse une crise écologique et climatique dune ampleur sans précédent, tandis que la menace terroriste, sur fond de corruption et de mal-développement, sest substituée à la menace communiste. La combinaison des menaces climatique et terroriste jette en pâture, quotidiennement, des milliers de réfugiés qui arrivent sur nos côtes dans lespoir dune vie meilleure pour eux et leurs enfants. Car lEurope est une terre despoir !

LUnion de lÉnergie est conçue comme un projet de solidarité entre les territoires européens. Il sagit de faire prendre conscience aux États membres, et au-delà aux citoyens européens, quils sont interdépendants énergétiquement. Le projet a pour objectif de réduire notre dépendance énergétique, qui a atteint 54 % en 2015, et nos émissions de gaz à effet de serre. La modération de la demande dénergie, combinée à laugmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, devrait permettre de réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées de nos anciennes colonies (Afrique du Nord et Moyen-Orient) ou de pays dont certains États membres dépendaient par le passé (Russie), avec tout ce que cela sous-entend en termes de géopolitique. Cette réduction de notre dépendance aux énergies fossiles devrait avoir un autre effet positif, celui de rendre lair de nos villes et de nos campagnes plus respirable en réduisant nos émissions de gaz à effet à serre et les pollutions qui leur sont associées. Mais peut-on réussir le virage de la transition énergétique alors que les États membres préfèrent, encore aujourdhui, négocier individuellement leurs contrats dimportations des hydrocarbures avec les pays tiers ? Le deuxième défi de lUnion de lÉnergie est donc bien celui du changement des mentalités pour passer du je au nous et pour enfin jeter aux calendes grecques les égoïsmes hérités de lépoque de gloire de nos états nations.

LUnion de lÉnergie est également un projet de prospérité et de justice sociale, car contrairement à ce que la pensée dominante prétend, cest bien lénergie et la connaissance, et non le capital, comme lexpliquent si bien les travaux de Robert Ayers2 et dIdriss Aberkane3 , qui sont à lorigine de la prospérité et des progrès que nous avons connus à ce jour. Mais nous devons rester vigilants. Car contrairement à lépoque de Schuman où les politiques sociales étaient à lhonneur, un virage libéral et dangereux pour nos sociétés a été pris en Europe. On nous a, par exemple, promis une réduction des factures énergétiques des ménages à travers la libéralisation du marché et louverture à la concurrence dans le cadre du marché commun de lénergie. Au lieu de cela, nous avons eu droit à la précarité énergétique. Environ 48 millions de citoyens européens déclarent ne pas bien se chauffer lhiver de peur de ne pas pouvoir payer leurs factures énergétiques. « Inacceptable ! » diraient les pères fondateurs de lUnion européenne, « le marché va sen occuper », nous disent les défenseurs du libéralisme. « Injuste ! » dirait probablement le peuple dEurope si on lui demandait son avis sur la précarité énergétique. Le troisième défi de lUnion de lÉnergie est un peu lié au deuxième, il sagit de faire prendre conscience à tous quau vingt et un unième siècle laccès aux services énergétiques est un droit inaliénable de tous les citoyens sans distinction de revenus.

Et enfin, lUnion de lÉnergie, tout comme létait le projet de Schuman, est un projet de modernisation de lindustrie européenne à travers la recherche et linnovation. Une réflexion et des investissements en amont sont nécessaires pour réussir notre passage dun réseau centralisé basé sur les énergies fossiles, où le citoyen est un acteur passif dont le rôle se limite à consommer de lénergie, vers un réseau décentralisé basé sur des énergies propres, où le citoyen devient un véritable acteur qui peut produire son énergie et optimiser sa consommation dans le temps. Lintelligence des appareils électroménagers, des compteurs dénergie et des réseaux énergétiques rendent possible la participation directe du citoyen au réseau énergétique. Mais là aussi, nous devons être vigilants, car toute cette intelligence saccompagne dune plus grande vulnérabilité de lEurope aux cyber-attaques. Il est clair que la digitalisation des réseaux énergétiques est une partie intégrante de la transition énergétique, et au-delà écologique. La question est de savoir si nous sommes bien équipés pour cette digitalisation. Et si nous avons les protocoles nécessaires pour protéger nos villes/campagnes et donc nos vies des possibles attaques de la part de tierces parties malveillantes. Le quatrième défi de lUnion de lÉnergie est donc bien celui de garantir la protection des citoyens européens.

Pour terminer, je dirai que lEurope ne pourra jouer pleinement le rôle qui est le sien dans le XXIe siècle sans une construction collaborative et bottom-up de lUnion de lÉnergie. À nous peuple dEurope de nous saisir des enjeux de notre époque et de construire ensemble cette Europe moderne, juste et solidaire que nous devons aux enfants qui naissent aujourdhui. On pourrait, par exemple, nous approprier lUnion de lÉnergie en lançant une initiative citoyenne pour intégrer dans les textes existants le concept de « justice énergétique », et pourquoi pas détendre ce concept à nos politiques de coopération avec les pays du Sud. Réunir un million de signatures dans au moins sept pays membres, pour que linitiative soit prise en compte par les décideurs, comme le prévoit le traité de Lisbonne, ne me semble pas être un défi insurmontable à lheure dInternet et des réseaux sociaux. À nous citoyens européens de prendre notre destin en main et dutiliser les nouvelles technologies pour les bonnes causes !


  1. Il est important de noter que le Parlement européen est le seul parlement dans les grandes démocraties à ne pas être autorisé à faire des propositions de loi. ↩︎

  2. Robert Ayres : The Economic Growth Engine: How Energy and Work Drive Material Prosperity ↩︎

  3. Idriss Aberkane : Léconomie de la connaissance. ↩︎